dimanche 10 février 2013

La sortie du dimanche - Kabuki : Jiuta

Kanega-misaki

  Je ne connais pas grand chose au kabuki croyant lui préférer le No et le Buto, mais le peu que j'ai pu en voir m'a néanmoins beaucoup plu. De fait, lorsque j'ai appris que Tamasaburo Bando, 62 ans et trésor national du Japon était de passage au Théâtre du Châtelet donnant pour la toute première fois trois représentations en dehors de son pays, mon cœur n'a fait qu'un bond. Je me suis donc rendue mercredi soir assister à la représentation de Jiuta, trois solos de danse kabuki. Ce fut si merveilleux que j'aurais bien passé ma nuit devant ce spectacle à la poésie infinie.

Aoino-ue

 Jiuta se compose de trois tableaux tous trois reprenant cette thématique si traditionnelle au Japon qu'est l'amour tragique. Ainsi le premier tableau, Yuki (La neige), parle de l'attente d'un amant un soir d'hiver. Aoino-ue (Le Dit du Genji), la seconde danse, parle d'une jalousie amoureuse et d'un amour éternel. La dernière partie, Kanega-misaki (Le promontoire de la cloche du temple) raconte le remord du crime d'un amant.
Chaque danse est plus belle l'une que l'autre, Tamasaburo étant d'une grâce incroyable, et chacun de ses gestes semblant si précis et codifié. Le chant est superbe, et la poésie des paroles est imprégnée d'une troublante nostalgie, mise en valeur par les notes du shamisen.

On peut distinguer une nette gradation dans ce spectacle. Cette évolution se fait sur trois plans : le kimono, la musique, et la scénographie, changeant pour chacune des danses. En effet, le premier solo ─ mon favori ─ Yuki, présente une scénographie minimaliste, simplement constituée de quelques paravents dans le fond de la scène. Le kimono est blanc, immaculé. Tamasaburo porte une ombrelle. Concernant la musique, le shamisen est seul avec la voix, les notes sont espacées, le tout est très lent.

Aoino-ue, le second solo, présente un décor légèrement plus complexe composé de paravents, de lampes et d'un superbe kimono rouge posé sur le sol. Le kimono porté par Tamasaburo quant à lui est richement brodé. Il manipule un éventail. La couche brodée du kimono tombera à la fin de cette danse (le kabuki est définitivement riche en symbolisme), découvrant un kimono blanc orné de légers détails rouges. Un koto vient se joindre au shamisen et à la voix. Le rythme est déjà plus vif que pour le solo précédent. Les paroles sont également moins légères (beaucoup moins, même).

Le dernier solo, Kanega-misaki, est vraiment la danse qui clôt avec grandeur ce ─ déjà excellent ─ triptyque. Une titanesque cloche de temple ainsi que de multiples branches de cerisiers en fleurs pendent du plafond, duquel tombent aussi des pétales de ces mêmes cerisiers. Tamasaburo tient un autre éventail, et est vêtu d'un magnifique kimono noir fleuri. Au shamisen, au koto et à la première voix s'ajoute une seconde voix masculine. Le texte est beaucoup moins innocent que celui des solos précédent, puisqu'il parle de mort.

Yuki
Dans ces trois tableaux, la danse de Tamasaburo est captivante, élégante et gracieuse, la musique transporte et les textes (décidément splendides) invitent à la réflexion. Jiuta est un superbe morceau de Japon traditionnel, extrêmement poétique et touchant. J'en reprendrais plus que volontiers.

Tamasaburo donnait Jiuta en représentations les 5, 6 et 7 de ce mois, et proposera Le pavillon aux pivoines, un opéra chinois du XVIe siècle, du 10 au 16 février (que je n'irai d'ailleurs pas voir étant donné que ce genre m'insupporte franchement).
Sur ce, je vous renvoie au site du Théâtre du Châtelet.

Crédits photos : Théâtre du Châtelet

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