mercredi 20 août 2014

Dans les pas d'Assassin's Creed II

 Le fromage, la pizza, le jambon, le cinéma et Rigoletto mis à part, je n'ai jamais été une grande amatrice de l'Italie. Mais s'il y a bien un truc que je suis certaine d'aimer, c'est la saga de jeux vidéo Assassin's Creed. J'ai été à Rome, j'ai été à Venise, mais c'est essentiellement à Florence que se déroule le second opus de la saga, mon préféré avant que le quatrième ne sorte (et là, paf, plus à rien à faire, mon cœur aveuglé par son amour pour la piraterie a relégué AC2 au second rang). Bref. Je suis donc partie quelques jours à Florence, dans l'optique de suivre la trace d'Ezio Auditore de Firenze, héros des premiers volets de la saga et natif de la ville. Je n'avais pas joué à l'épisode 2 depuis un moment, mais flâner à travers les rues de la capitale toscane a suffit pour raviver de chouettes souvenirs de parkour virtuel et de sauts dans la paille depuis des toits d'églises.


Je suis partie un peu comme ça, en mode "yolo, ma connaissance experte du jeu va me suffire à me repérer dans Florence, no fear, no doubts" et... ça s'est avéré plutôt vrai. Bon, j'ai quand même embarqué le Cartoville usuel au cas-où ; On n'est jamais trop prudent et puis on ne peut pas grimper sur les toits pour se repérer, dans la vraie vie. Florence est de ces villes italiennes dans lesquelles il fait bon flâner et se perdre, loin des grands axes touristiques. Cependant, c'est bien dans des lieux aujourd'hui touristiques que se tramaient les complots en 1476, époque à laquelle se déroule donc AC2. Se perdre dans la marée de touristes s'avéra nécessaire ; J'ai beaucoup regretté de ne pas m'autoriser à grimper aux façades des maisons et à sauter de toits en toits. M'enfin, peu importe. 

Je logeais dans un sympathique petit hôtel non loin de l'église de Santa Maria Novella qui fut donc le premier lieu de mon pèlerinage. C'est une jolie petite église en face de laquelle se trouve le musée du Novecento, un musée d'arts visuels que je n'ai pas visité. A Florence, tu apprends la patience ; Rentrer dans un musée sans réservation demande pratiquement une demie-journée à faire la queue en plein soleil. Et entre nous, l'art italien ne m'a jamais vraiment touchée, je lui ai toujours préféré la peinture flamande. Je n'ai pas non plus visité tant d'églises que ça, chose que pourtant j'affectionne faire. L'architecture romane florentine ne m'émeut pas des masses (encore moins lorsque je ne peux pas y grimper). Je me suis donc principalement contentée de m'adonner à mon activité favorite : la flânerie.

 Santa Maria Novella irl et ig.

Et quel plaisir de flâner dans les ruelles pavées de la ville, relativement petite et concentrant la plupart de ses monuments dans deux quartiers. Ainsi, m'arrêtant de temps en temps humer le doux fumet s'échappant d'une trattoria ou admirer le travail du cuir d'un artisan, j'arrivais bientôt devant la cathédrale. Tout joueur d'AC connait l'importance des églises et des cathédrales tout particulièrement. Aussi glorieux et impressionnants que dans le jeu, se dressaient devant moi la Duomo et son campanile (que j'aime appeler à tort minaret). Le baptistère était malheureusement en rénovation et donc entouré d'échafaudages le masquant.
Moins belle que la Duomo de Milan à mes yeux mais a priori bien plus fréquentée que Notre Dame, les visiteurs se pressaient aux portes dans une queue faisant le tour du bâtiment (qui est tout de même bien grand). Je déconne pas quand je te dis que faire la queue, c'est une activité à temps plein à Florence. N'ayant pas la motivation, je n'ai donc pas pénétré la cathédrale, ni son campanile dont l'ascension m'aurait au moins permis de voir de très près le sommet de la Duomo, me procurant ainsi la sensation d'être un peu plus près de mon jeu vidéo.

La Duomo et son campanile irl...

 ... et ig ! (Y a une meilleure vue ig, ouais).

Le lendemain matin, je repassais devant le monument afin de continuer mon pèlerinage. La lumière manquant la veille, ce fut l'occasion de faire quelques photos souvenir. J'avais embarqué Ezio. Enfin, juste une figurine à son effigie. J'espérais que ça appâterait son homologue grandeur nature ou au moins ses copains, mais manque de bol, je n'ai aperçu aucun assassin. Par contre il a attiré un paquet d'autres fans, chose fort plaisante à laquelle je n'avais même pas songé. Les premières fans que j'ai rencontrées furent une mère et sa fille, Homa et Cosima, venant de Vienne. Elles sont arrivées vers moi en hurlant "Ezio ! Ezio !", c'était marrant. Ce qui m'a d'autant plus agréablement surprise, c'est que la plupart des fans que j'ai rencontrés étaient des femmes. Je suis vraiment contente de voir que de plus en plus de filles jouent très sérieusement aux jeux vidéo, pas à des jeux de merde, et pas pour la pseudo-gloire de "han t'as vu je suis une meuf et je joue à Call of Duty et à WoW, hihihi" mais bien pour elles, parce que ça les fait kiffer autant que les mecs.



Homa était adorable et tenait un cahier dans lequel figuraient des screens du jeu en face desquels elle prévoyait de coller des photos des vrais monuments. On a gardé contact et qui sait, peut-être viendra-t-elle faire un tour à Paris puisque c'est la ville qui servira de décor au prochain opus prévu pour la fin de l'année ?

En poursuivant ma balade, je suis arrivée à Ponte Vecchio, l'emblème de la ville et dernier pont traversant l'Arno encore habité. Lorsque l'on est dessus c'est un cauchemar : une mer de touristes se laissant entraîner d'une boutique de bijoux clinquants à l'autre puisque aujourd'hui les tanneurs et tripiers ont tous disparu. Lorsqu'en revanche on l'admire depuis un autre pont, la vue est superbe. J'adore ce genre d'architecture inégale composée d'agglutinations de petits immeubles bariolés et légèrement biscornus, comme s'ils avaient été soigneusement ramassés dans différents coins et posés là côte à côte. Les quartiers populaires ont vraiment quelque chose que l'architecture pompeuse des monuments historiques n'a pas.


Vraiment, Ponte Vecchio est aussi chouette dans la vraie vie que dans le jeu. Je me voyais courir sur les toits des habitations en compagnie d'Ezio, dans la lumière du soir et dans l'odeur du sang provenant des bouchers peuplant le pont à l'époque. Sigh. Aujourd'hui l'endroit est un peu devenu l'équivalent de notre Pont des Arts parisien : un coin moche quand on est dessus et beaucoup trop visité pour ce que c'est.


N'ayant pas prévu de traverser le pont tout de suite, je suis passée devant le Palazzo Vecchio avant de me rendre à la Galleria degli Uffizi, musée florentin équivalent un peu au Louvre. Hélas, les grands maîtres italiens ne créant que très peu d'émotions en mon petit kokoro et la foule de touristes réveillant affreusement mon agoraphobie, j'ai rapidement pris la fuite pour m'en aller vers le seule salle du musée contenant des peintures flamandes — mon dada. Rien à cirer de la Naissance de Vénus, moi j'aime Rubens et Bruegel. Ceci dit, je reconnais que le musée est fort bien fourni et est à visiter d'urgence si l'on est, contrairement à moi, un amateur de Botticelli, Titien ou Michel-Ange. Bon ok, j'admets que j'étais quand même particulièrement heureuse de voir mon Caravage préféré : la Méduse.

Bref. Le Palazzo Vecchio donc, qui est l'hôtel de ville de Florence. Pas fan de l'architecture mais faut avouer que ça a de la gueule et que la grande place devant est plutôt sympa (elle m'a cependant paru bien plus grande que dans le jeu).
Je suis également passée à la Galleria dell'Accademia où se trouve le fameux David, et tout comme pour notre Joconde, les touristes qui vont bien. Mais encore une fois, je n'ai jamais été très sensible à la sculpture et Michel-Ange ne me fait pas plus vibrer qu'un autre, hélas. J'ai pu toutefois me repaitre de la vue d'une collection très fournie d'icônes et de peintures pieuses variées qui pour certaines, feraient bonne figure dans ma collection.

Le gros machin imposant qu'est le Palazzo Vecchio.

Le lendemain, j'avais décidé de me perdre du côté du quartier des artisans, parce qu'il n'y a pas meilleur endroit sur terre pour acheter du cuir et du joli papier à lettres marbré qu'à Florence. Bon, tout coûtait la peau du cul alors je me suis contentée de regarder. Mes pas m'ont tranquillement conduit à l'adorable basilique Santa Croce que j'ai vraiment beaucoup aimée. Dans le jeu, c'était déjà ma préférée, mignonne comme tout par son architecture. Du coup j'ai fait un paquet de photos devant, avec Ezio, sans Ezio, et d'Ezio tout seul. A tendre à bout de bras mon petit Ezio pour le photographier, j'ai vite attiré l'attention de deux russes, une mère et une fille là-encore, elles aussi fans d'AC.

La sublime Santa Croce qui vend bien du rêve ig.
 
Tant de fans rencontrés grâce à Ezio ! \(@ ̄∇ ̄@)/

Les russes étaient chouettes et la demoiselle arborait même un pendentif de la marque des Assassins. On n'a pas tardé à attirer l'attention d'autres amateurs du jeu, des espagnols cette fois avec qui on a encore discuté un peu. Ça m'a vraiment donné envie de revenir à Florence (en hiver peut-être, pour changer), vêtue d'un costume d'Assassin et de me balader de manière casu dans les rues. Juste histoire d'attirer vraiment l'attention des fans et de causer, parce que tous ceux que j'ai eu le plaisir de rencontrer étaient absolument adorables. J'aimerais aussi effectuer un petit voyage Rome-Florence-Venise puisqu'il s'agit des trois villes italiennes dans lesquelles on suit les aventures d'Ezio. Ce sont aussi des villes que je connais déjà et que ça me ferait vraiment marrer d'y barouder fringuée en Assassin. Un jour peut-être me coudrais-je un costume et parcourrais l'Italie ainsi vêtue !

En parlant de Venise, j'ai fini par me rendre au sud de Florence, là où les touristes ne s'aventurent pas, là où l'on se croirait presque à la campagne et là où dans le jeu, Ezio prend la fuite pour Venise justement. C'est à la Piazzala Michelangelo que l'on peut admirer le plus joli panorama sur la ville. Sans les grues ce serait mieux, mais la vue reste superbe et le coin verdoyant et de fait très agréable. On gravit une montagne de petites marches (surement ce qui décourage les touristes) et on y arrive. C'est tranquille et mignon comme tout.


Ma petite balade Assassin's Creedesque s'est donc terminée sur les hauteurs de la ville. Je t'ai résumé ça comme si j'avais fait le tour de Florence en l'espace de deux jours, à la vérité ça m'en a pris quatre ; J'ai juste pris le temps de visiter aussi d'autres choses, comme le musée d'histoire naturelle (en général le premier endroit auquel je me rends dans une ville) qui comprenait une collection de moulages en résine absolument impressionnante (la plus complète en Europe et peut-être même au monde me semble-t-il) ainsi que l'une des galeries zoologiques les mieux fournies qu'il m'ait été donné de voir. Le top, c'est qu'il n'y a jamais personne dans ce musée, un vrai bonheur si comme moi tu aimes passer des heures un carnet de croquis à la main planté devant les vitrines à observer et dessiner chaque spécimen intéressant (la collection de canards m'a particulièrement émue. Tu connais mon culte pour ces bêtes-là, n'est-ce pas ?). Ou le musée Ferragamo, sacro-saint créateur de chaussures dont la vie détaillée m'était inconnue jusqu'à lors. Son musée, petit mais complet, est un véritable ode à son travail. De nombreux modèles originaux y sont exposés, dont les iconiques Rainbow shoes, crées originellement sur mesure pour Judy Garland.

J'en ai aussi profité pour faire quelques courses, j'aurais aimé m'offrir du papier marbré typique de Florence ainsi qu'une paire de gants en cuir bleu ; J'ai fait chou blanc de ce côté-là (sans déconner ça coûte une bliiinde !) et suis repartie avec une paire de chaussures rouges vernies que tu ne tarderas pas à me voir porter, ainsi que des yaourts Super Mario Bros. C'est qu'ils ont de chouettes trucs, en Italie.

Côté gastronomie, mon plus grand amusement lorsque je vais en terra (quasi)incognita, est de tout goûter. Surtout quand c'est bizarre. La spécialité florentine, ce sont les tripes. Je n'ai pas eu le temps d'en goûter (il me faudra y retourner pour tester), mais j'ai mangé de la soupe paysanne — traditionnelle elle aussi — et ça m'a laissé fort perplexe ; Le machin ressemblait à une purée de chou et avait juste le goût de sel. M'enfin bon, les excellents cafés et les bonnes glaces sont communs à toutes les régions d'Italie.

Florence est définitivement une jolie ville et j'aurais pu t'en parler mieux, te parler de ces chouettes églises que j'ai visitées, des ces autres monuments rigolos devant lesquels je suis passée, de l'incompréhensible accent toscan, du jardin Boboli, de ce bâtiment couvert de billets d'un dollar sur lequel je suis tombée, des touristes, de l'architecture et de toutes ces choses dont on ne parle pas dans Assassin's Creed. Mais je n'en avais pas envie. Parce que moi, ce que je retiens de ce passage à Florence, c'est à quel point c'était chouette de marcher en plein Assassin's Creed. Rome est trop grande pour pouvoir y baguenauder et tomber subitement sur un coin que l'on retrouve dans le jeu, Venise est trop pleine à craquer de touristes et trop pleine d'eau pour y errer sans avoir envie de plonger dans les canaux. Florence, elle, est pile à la bonne taille pour s'imaginer sauter de toits en toits avant d'atteindre le sommet de la Duomo, de faire un saut de l'ange et d'atterrir dans une motte de paille, tout en jetant un œil aux vitrines des magasins modernes et des petits artisans qui travaillent le cuir.

C'est certain, je reviendrai encore à Florence, une fois en Assassin, et une autre simplement pour prendre le temps de visiter la campagne environnante lors d'un road-trip à travers la Toscane. D'ici-là, je guette la sortie d'Assassin's Creed : Unity et ne manquerai pas d'effectuer une balade dans les pas du nouvel assassin (ce qui promet de s'avérer nettement plus facile et moins coûteux).

vendredi 8 août 2014

Reborn sounds of children dreams

 C'est l'été et hormis partir une semaine chez ta tante Berthe à Bouzoux-sur-Oust, t'as pas grand chose de prévu ; T'as envoyé tes CVs trop tard pour pouvoir bosser comme technicien de surface au McDo de ton bled, t'as pas la thune pour partir en roadtrip à travers le monde, Paris plage te donne des boutons et t'as qu'une angoisse : t'ennuyer. Si c'est le cas, je lève ma main pour un high five parce que toi et moi muchacho, on se comprend. Mais tékaté, je t'ai préparé un petit florilège de films frais et au bon goût de vacances pour ces jours où la canicule (ou l'ennui) t'obligera à rester chez toi avec ton pastis en intraveineuse (et avec autre chose pour te détendre que l'intégrale du Gendarme de Saint-Tropez). Pas d'analyse filmique à suivre, juste quelques lignes qui, je l'espère, te donneront envie de te rafraîchir un peu culturellement. Bon, ok, on est en août et j'avais initialement prévu de publier cet article plus tôt, mais tu sais, les films à suivre sont également bien efficaces en cas de winter blues pour quand tu te feras chier pendant les vacances de Noël et qu'on te traînera à l'habituel repas de famille chez Mamie Suzette.


Kikujiro no natsu (1999)
Takeshi Kitano a toujours été mon réalisateur japonais contemporain favori. De Dolls à Achille et la tortue en passant par A scene at the sea, il se dégage de nombre de ses films une poésie empreinte d'une douce mélancolie. Kikujiro no natsu n'échappe pas à la règle et est devenu un classique du cinéma japonais, et l'un de mes classiques personnels. Les road-movies ont vraiment un côté estival d'après moi, et le voyage à travers la campagne d'un yakuza accompagnant un gamin de neuf ans après avoir perdu toute leur thunes en priant sur des jockeys, a tout du road-movie excentrique (et donc super estival). En réaction à ses précédents films perçus comme trop violents par la critique, Kitano fait suite à Hana-bi en explorant ici la relation subtile entre Kikujiro, un adulte un peu fripouille (interprété par Kitano lui-même qui n'hésite pas à faire de l'auto-dérision), et Masao, un enfant innocent à la recherche de sa mère.

Kikujiro no Natsu est un road-movie comme je les aime, touchant et rigolo avec quelques pointes bien placées de drame, le tout sous forme d'une jolie promenade dans la cambrousse japonaise en compagnie de deux protagonistes très humains. La photographie unique de Kitano rend chaque paysage éclatant de couleurs (bien qu'on ne soit pas encore au niveau de l'explosion de nuances de Dolls) et son montage aux transitions brutes créé une façon très intéressante de raconter des histoires. A cela s'ajoute la très belle bande son composée par Joe Hisaishi, dont Summer le thème principal, est reconnaissable entre mille dès les deux premières notes.
Si toutefois tu n'es pas un habitué du cinéma japonais, il possible que la première demie-heure du film te paraisse un peu longue. Mais une fois que les deux compères s'en vont à travers champs, les choses deviennent plus fun et la magie ne disparait plus.

L'humour de Kitano est simple, parfois un peu enfantin, mais grâce à la superbe photographie et au jeu de Kitano (plus parfait que jamais dans ce film, qui semble avoir été réalisé rien que pour mettre en lumière son génie en tant qu'acteur), c'est absolument parfait. Le fond dramatique fonctionne superbement avec l'atmosphère relaxante du film et la BO magnifie parfaitement le tout.  
Kikujiro no Natsu est un road-movie adorable que j'ai toujours recommandé avec beaucoup d'enthousiasme à qui veut s'y essayer ; Ça n'est cependant pas mon Kitano préféré, mais ça c'est juste parce qu'il a fait tellement de perles qu'il est difficile de choisir.


Moonrise Kingdom (2012)
Lorsque j'ai vu ce petit bijou pour la première fois, j'en suis aussitôt tombée amoureuse. Wes Anderson est certainement mon réalisateur contemporain fétiche : photographie toujours parfaite, élégance, intelligence et poésie sont les principales caractéristiques de son univers et font qu'à chacun de ses films, on s'en prend plein la gueule, dans le meilleur sens possible. Moonrise Kingdom est incroyablement pétillant, beau et ingénieux. C'est le genre de film pratiquement impossible à raconter et qui mérite d'être vu ─ vécu, même ─, le genre de film à la Wes Anderson, c'est-à-dire une comédie romantique baroque croisée avec un film d'aventure, avec Françoise Hardy en fond et un casting dingue pour porter le tout.

Sur une petite île paumée au nord de la Nouvelle Angleterre (le genre de coin où je me vois carrément habiter d'ici quelques années), Suzy vit avec sa famille. Sam quant à lui est un scout dans un camp estival pas très loin. Ils ont douze ans, se rencontrent lors d'une représentation de l'arche de Noé par l'école locale à l'église du bled, et tombent amoureux. Cet amour interdit va les conduire à s'enfuir tous les deux dans un plan hyper organisé. Le truc magique avec Wes Anderson, c'est que dans chaque chose, même la plus simple a priori et dans chaque détail, à chaque instant, dans chaque délire, il y a un sérieux imperturbable. C'est pour ça, pour sa faculté à raconter des trucs hallucinants, improbables, complètement allumés, mais toujours avec un énorme sérieux que Wes est mon réalisateur contemporain favori. Il y a toujours un tas de petits détails que l'on découvre parfois au bout du troisième visionnage seulement, plein de petite choses qui apporte encore plus au charme de ses films. Chaque plan est un tableau, et si j'avais la place chez moi, j'aurais très certainement une immense pièce couverte de grands tirages d'images issues du travail de mon chouchou de réalisateur.

Ode à l'enfance et à l'imagination, pied de nez à la folie du monde adulte, éloge des sentiments courageusement affirmés, Moonrise Kingdom se savoure sans modération. Nique la norme, lève-toi pour ce qui est sincère, exalte ta fantaisie au lieu de l'étouffer pour faire plaisir à autrui au lieu d'être malheureux. Je ne vais pas me livrer à une analyse maintenant, mais il y a tant à découvrir et à tirer de ce véritable petit bijou qui a sût facilement se hisser, dès le sortir du cinéma, dans le Top 3 de mes films préférés.


Saya Zamurai (2011)
Matsumoto, c'est le génie taré à l'origine de films métaphysico-chelous tels que le fameux Symbol (si tu n'en as jamais entendu parler, dépêche-toi de l'ajouter à ta liste de films à voir ; Je dis ça pour ton bien). Saya Zamurai est dans la parfaite lignée de son travail, totalement con et brillant à la fois. Le plot est très simple : un "samouraï" se retrouve prisonnier d'un seigneur se retrouve condamné au défi des trente jours : trente jours soit trente tentatives de faire sourire le fils du seigneur qui est inexpressif depuis le décès de sa mère. S'il réussi, il sera libre. S'il échoue, il sera contraint de faire seppuku. Je mets des guillemets à "samouraï" parce qu'il a plus l'air d'un clown totalement paumé dans sa vie que d'un Toshiro Mifune, avec son fourreau de katana vide et ses culs de bouteille sur le nez. Malgré cela, son but reste incroyablement héroïque : faire rire ou mourir en essayant.

Ce genre de scénario peut rapidement devenir très redondant, mais Matsumoto parvient à faire de ce pattern a priori simple et évident quelque chose de plus complexe, le renversant même sur la fin. Chaque gag est hilarant et unique, plus dans la recherche de son concept que dans sa réalisation, et certains deviennent drôles tellement la blague de base ne l'est pas. Les personnages sont gentiment idiots mais néanmoins très attachants, surtout Nomi, le principal protagoniste. En plus de son air d'abruti perdu, il est timide mais déterminé, a tout au plus cinq dents dans sa bouche et s'exprime de manière désolée comme s'il s'excusait au monde entier ; C'est un clown-clochard triste en costume de samouraï.

Dans la plupart des bonnes blagues, il y a une part de vérité. Dans Saya Zamurai, ce qui engendre le burlesque est la détermination de Nomi. Faire rire ce gamin peut bien être impossible, mais Nomi va s'efforcer d'essayer, même si cela signifie la mort. Dans la première scène du film, il se fait poignarder, tirer dessus, briser les cervicales mais la seule chose éventuellement capable de le conduire à sa perte est son incapacité à faire rire autrui. Parfois, faire rire demande un effort supplémentaire, effort incroyablement noble et digne, même s'il te ramène au rang de bouffon. Au fond de toute cette cocasserie semble se trouver l'idée qu'il n'y a rie de pire qu'un comédien qui meurt sur scène, et ce fut peut-être l'idée initiale de Matsumoto lorsqu'il a réalisé ce film, brillant et rafraîchissant (un peu comme une bonne limonade.)


We're the Millers (2013)
Ça, c'est un machin qui n'a pas grand chose à voir avec les films que tu es habitué à me voir traiter de manière aussi gentille ici. Parce que c'est un blockbuster. Eh ouais. Mais figure-toi qu'il arrive parfois ─ rarement ─ qu'une super-production me fasse me tordre de rire au point d'en chopper des crampes au bide et de convertir tous mes potes aux gags dudit film. We're the Millers est l'un d'entre eux. Scénario bateau de blockbuster, casting classique de têtes connues (dont le fantastique Will Poulter), mais putains de gags. Sérieux. Enfin, en supposant que tu aies un humour aussi catastrophique que le mien (mais si tu continues à lire ce blog, je suppose que c'est le cas). A la manière de Little Miss Sunshine, on est entraînés dans un road-trip avec une fausse famille de gens rassemblés dans un seul but : faire passer tout un camping car blindé de weed du Mexique aux USA. Magique. Bien entendu comme dans tout blockbuster qui se respecte, les personnages sont des archétypes et tout est prévisible, mais bon sang, la qualité des gags vaut tous les clichés du monde. Le principal protagoniste est un vieil ado qui deal, sa voisine une strip-teaseuse, le gamin un crétin puceau, la gamine une ado fugueuse qui doit certainement avoir la discographie complète d'Avril Lavigne sur son iPod, et la famille qu'ils rencontrent est le parangon de la famille américaine classique (à savoir cons comme mes pieds et chrétiens conservateurs comme c'est pas possible). Rien de profond, de beau ou d'intelligent ni de métaphysique dans ce film, juste de la connerie rafraîchissante en barre (et des éclats de rire. Plein. Promis).


Carnival of Souls (1962)
Contrairement aux films ci-dessus, Carnival of Souls n'est pas un gentil film qui te donnera envie de partir à l'aventure sur ton canapé. Pas du tout. En effet, il s'agit d'un film culte de série B ayant inspiré moult réalisateurs par la suite. Pourquoi je te parle d'un film d'épouvante trois mois avant Halloween ? Simplement parce qu'il n'y a pas d'heure pour mater ce genre de film, et puis parce que quand on meurt de chaud, quelques frissons ne font jamais de mal. Film d'épouvante donc, mais si tu t'attends à des meurtres, des flots de faux sang ou des plans super angoissants, je t'arrête tout de suite ; Il s'agit ici d'un film s'adressant aux acolytes des atmosphères et de l'épouvante, aux fans des angoisses lentes, creepy et continues, bref, aux amateurs de la plus pure tradition du cinéma d'épouvante surnaturelle. Avec son intrigue lente et sa fin étrange, ses images envoûtantes dans ce superbe noir et blanc d'époque et son orgue inquiétant en fond sonore, Carnival of Souls ressemble un peu à un épisode d'une heure et demie de The Twilight Zone. Un genre de film de série B, sans le B mais avec un micro-budget quand même.
La force et l'intérêt de ce film ne résident pas dans le jeu des acteurs totalement inconnus ni dans le scénario (eh, série B je te dis), mais dans l'atmosphère carrément ensorcelante des scènes tournées dans une véritable foire abandonnée des années 20. L'ambiance embaume le mystère et la mort, un peu à la manière de l'Overlook Hotel dans Shining.
Sorti à l'époque des films jetables des drive-in, Carnival of Souls a été ressorti du fin fond des poubelles pour engendrer un véritable culte (on trouve tant de clins d’œil à ce film dans le travail de Romero ou dans 28 jours plus tard pour ne citer qu'eux) et est un must-seen pour tous les amateurs d'atmosphère pesante, d'images étranges et de plot twist.


Allez. Bisous et chill bien !

mardi 22 juillet 2014

Teenager from Mars

 Hier, c'était l'anniversaire de mon ami Ludo. Pour l'occasion, je m'étais dit que je m'habillerais un peu correctement et que je ferais un effort de maquillage. Juste histoire d'être autre chose qu'une raclure grunge, pour une fois. C'était aussi l'occasion d'inaugurer ma dernière acquisition : une robe Neb Aaran Do (et puis une paire de chaussettes qui va bien, parce que tu connais mon amour pour les chaussettes). Neb Aaran Do, c'est une marque japonaise fantastique dont l'univers m'a toujours beaucoup plu. Et puis faut dire que la plupart de leurs items sont rouges et bleus, soit pile mon schème de couleurs fétiches (manque juste un peu de moutarde, mais whatever). Sérieusement, leur univers onirique à base de cols de marin et d'étoiles est méga-inspirant, et leurs fringues sont de super bonne qualité. Ce fut donc un grand plaisir de rencontrer le crew Neb Aaran Do à la Japan Expo (où j'ai bossé pendant trois jours, ugh) puis de les inviter à notre Garden Party. Je ne pouvais bien évidemment pas ne pas profiter de l'occasion, et ai donc acquis cette robe que j'aime d'amour ainsi que cette paire de chaussettes toute aussi chouette.


 Et puis comme j'ai toujours aimé expérimenter des trucs chelous avec un appareil photo la nuit, je suis restée errer sur le palier prendre un outfit shot avec un bon gros flash dégueulasse. J'aime bien le rendu, mine de rien. Faudrait d'ailleurs que je songe à passer à la gamme supérieure d'appareil photo et à mettre la main sur un flash de taré pour mieux m'amuser.
Sinon les lentilles rouges et les faux cils, c'est cool. Et tu ne me décollera pas mes bindis de si tôt.



 Well, we've seen your 3-D movies
In violent abduction
We blast your mindless structure
Inferior connection

We take your weak resistance
Throw it in your face
We need no introduction
For mass annihilation


Teenagers from Mars
And we don't care 



Robe et chaussettes Neb Aaran Do, veste Molly Bracken, creepers Underground, collants Lockshop.

samedi 19 juillet 2014

Hellfest : There and back again


(Comme d'hab, clique sur les photos si tu veux les voir en grand.)

 Ceux qui disent qu'en Bretagne il pleut tout le temps, c'est rien que des menteurs. Parce que je peux te dire que le Hellfest cette année, c'était un weekend en plein cagnard avec plus de 20°C à l'ombre et huit degrés de plus en plein soleil. Le prix d'un mètre carré ombragé n'a jamais coûté aussi cher.
Je suis sortie il y a peu de l'habituel blues post-fest qui touche tous les festivaliers, nous conduisant à lire au moins trois fois chaque report qui nous passe sous la main et à visionner tout autant de fois chaque album photos Hellfestesque qu'on trouve, tout en coupant notre bière avec nos larmes en attendant l'an prochain. Sans déconner, ça se passe vraiment comme ça.

Chaque année fin juin, c'est la même chose : Montparnasse se transforme en les métalleux en colonie de vacances, le Leclerc Clisson voit ses rayons se remplir de litres d'alcool et de quantités apocalyptiques de chips et saucisson ─ le minimum vital de la survie en festival, et les routes sont encombrées dès jeudi de voitures dans lesquelles Maiden hurle. Dans la nôtre c'est surtout du Ghost, mais bon. Et chaque année, voilà ma daronne et moi-même, en route vers l'habituel pèlerinage clissonnais. L'an dernier, la programmation m'avait simplement rendue totalement tarée tant il y avait de groupes que je totem et adule. Cette année, l'affiche m'a moins emballée mais bordel de merde, on y va aussi pour l'ambiance, au Hellfest.
Le premier truc qui a changé cette année, c'est qu'ils ont fait une mainstreet. Ouais, exactement comme à Disneyland, à la différence qu'ici la mélodie du bonheur était vachement plus sympa et ne te pourrissait pas le cerveau. Bon, j'ai attendu la parade parce que je voulais vachement voir les chars des glammeux et des blackeux, mais on m'a dit qu'il n'y en aurait pas :'( Qu'importe, le côté Camden Townesque était sympa et ma daronne est tombée en pâmoison devant le chouette crâne immaculé qui décorait la place.


 Enfin bon, on n'était quand même pas super en avance et moi qui avais prévu de démarrer cette nouvelle édition du Hellfest en faisant comme chaque année la queue en plein soleil pendant 3h pour pécho du merch avant que les stands ne se fassent totalement piller, on est allées camper. L'ambiance dans la queue m'a semblé étonnamment calme. Pas de chanson paillarde, pas de blague débile, à peine des beuglements... C'était assez triste. Heureusement j'ai eu le temps de me faire chier avec mes voisins de queue en échangeant quelques paroles cinématographiques entre deux plaintes. Trois heures plus tard, j'ai enfin pu chopper un chapeau, un bandana et un tshirt et ça nous a tellement crevées qu'on est allées faire la sieste à l'ombre. Un putain de cagnard te dis-je. Le soleil ça fatigue beaucoup, mine de rien. Je crois que je préfère définitivement la pluie pour les festivals (parce que les glissades dans la boue, c'est priceless). Je te raconte même pas la poussière que les pogos ont soulevé, tout le monde est reparti du fest avec les poumons tapissés (d'où l'intérêt du bandana). Et aussi l'ambiance à moitié BDSM des pits géants avec des mecs torses nus avec la poussière collant à leur sueur. Papier de verre style ma gueule

Il y avait Rob Zombie qui passait à 18h45, mais pour te dire la vérité, j'avais juste tellement la flemme de braver la foule monstrueuse qui attendait déjà devant la mainstage que j'ai décidé de le snober. Je l'aime bien, mais je l'avais déjà vu il y a trois ans et de toute manière j'avais prévu de me poster à la barrière pour attendre Turisas sous l'Altar (je réalise que j'ai passé 75% de mon festival postée devant cette scène, d'ailleurs). Attaquer les concerts avec Turisas, on fait difficilement mieux. C'est un groupe que j'adore depuis un bon petit paquet d'années (il me semble d'ailleurs que je les avais découverts lors d'une édition antérieure du Hellfest) parce qu'ils sont super marrants et ont tellement la pêche, un truc de fou. Les groupes de viking métal ont vraiment cette particularité qu'ils te font automatiquement taper du pied sinon carrément danser, et tu finis inlassablement par ressortir de leurs concerts complètement mort et suant comme un porc avec un putain de sourire sur la tronche comme si tu avais survécu à une bataille viking et que les portes du Valhalla s'ouvraient finalement à toi. D'ailleurs Turisas aurait mérité plus de pogos, j'ai été assez surprise de voir que les gens étaient tous un peu mous et ne bougeaient pas des masses cette année. En tout cas nous, à la fin du concert, on était claquées.


  Comme j'étais à la barrière pour Turisas et que Watain passait juste après, je suis bien évidemment restée camper, regardant au loin la masse compacte mais hétéroclite de fans cinquantenaires et d'ado boutonneux arborant un tshirt Iron Maiden se dirigeant vers la mainstage admirer leurs idoles. J'aime bien Maiden, j'aime bien leurs scénographies de tarés, j'aime beaucoup The Trooper et Fear of the Dark, mais je ne les aime définitivement pas assez pour braver la foule et manquer Watain.
Cette année, on a été plutôt bien servis en black, à ma plus grande joie. J'ai mis des années avant de réellement apprécier le black métal. Aujourd'hui, c'est devenu l'un de mes genres fétiches car théâtral au possible et totalement second degré. Je sais que ma maman aurait certainement mieux aimé assister au show de Maiden plutôt que de se confronter au bulldozer auditif qu'est Watain, mais le spectacle de la messe noire que ces derniers nous ont offert valait vraiment le petit sacrifice de la vierge de fer. Tout le concert était un rituel à base de crânes, pyrotechnie, calice empli à ras-bord de sang jeté en pleine face au public, croix enflammées et chanteur en transe. Vraiment, Erik a quelque chose d'incroyablement flippant, limite malsain. Je crois que c'est propre aux chanteurs de black, ils semblent pour la plupart habités par une force étrange. Ou alors ils sont juste sous ecsta, j'en sais rien. En tout cas c'était dingue.

On a enchaîné avec Death, groupe culte qui a sacrément la patate et que t'es toujours content de voir en live avant de clore la première journée de fest avec Electric Wizard qui est certainement mon groupe de stoner fétiche. Ils auraient tellement mérité la mainstage tant on crevait sous la Valley (la scène devant laquelle j'ai passé 24% de mon temps, donc). La Valley, c'est la scène qui sent bon la beuh et où quand t'arrive à la barrière, t'es même pas choqué de voir un mec totalement fonsdé qui s'écroule son bang à la main et les yeux aussi rouges que le maquillage des mecs de Turisas. Par contre, pense à me rappeler de mettre des bouchons d'oreille la prochaine fois. Ou au moins de ne pas me mettre pile devant les basses. Tu vois dans les dessins animés quand le bonhomme se fout devant des grosses enceintes et que dès que le groupe commence à jouer y a carrément sa peau qui s'arrache tellement c'est puissant ? Ben c'est un peu ce qui m'est arrivé ; Y avait mes cheveux qui partaient en arrière à chaque note de basse et mes lunettes n'ont jamais été aussi bien enfoncées sur mon nez. C'était fantastique. Mes tympans ont légèrement décédé, mais je crois que tout le public était en transe et vibrait avec les riffs ultra-planants d'Electric Wizard. Je réalise assez mal que je les ai vus, d'ailleurs. Ces types-là sont vraiment magiques. J'étais tellement épuisée que je ne suis même pas aller jeter un œil au concert de Septic Flesh qui avait lieu juste après sur l'Altar, et c'est sans regret que nous sommes allées nous coucher.


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 Le samedi matin, c'était le passage obligatoire au Leclerc, non pas pour refaire le plein de bières et de PQ ni pour aller chercher une Biafine ou un Stérimar salvateurs à la pharmacie, mais simplement parce qu'il est toujours amusant de le voir peuplé annuellement de gens en noir, bien qu'on commence à être assez blasées de ce paysage étrange (et aussi parce que tu peux aller poser ta pêche tranquille aux toilettes).

Heureux d'avoir des lingettes.
Un mec qui a pactisé avec un diable.

 On a attaqué la journée avec Trollfest, le groupe qui a certainement fait la plus grosse ovation de tout le festival. Normal, Trollfest c'est un condensé de joyeuse connerie entrainante qui te fera danser à en perdre la tête. D'ailleurs les mecs ont même fait leur cover de Toxic de Britney Spears, histoire de te prouver la mongolerie magique de ce groupe. Du rêve en barres. Littéralement.
Dans un genre totalement différent, on a enchaîné par Witch Mountain sous la Valley, un autre groupe de stoner que j'aime beaucoup avant de retourner devant l'Altar attendre Shining (jte raconte pas les allers/retours entre l'Altar ─ la scène black / pagan ─ et la Valley ─ la scène stoner / doom. Je crois que ce qu'on a fait cette année peut se résumer à ça).

Shining, c'est typiquement le groupe de black qui te met hyper mal à l'aise parce que tu ne sais jamais trop bien si c'est du lard ou du cochon et que les textes sont tellement noirs et dépressifs que c'en est juste totalement badant. A l'inverse de Behemoth qui prône la vie et l'élévation personnelle, Shining prône l'auto-destruction. C'est d'ailleurs tous les scandales qui tournent autour de ce groupe qui ont fait sa renommée. J'ai beau ne pas du tout être en accord avec Niklas (le chanteur), je ne peux pas m'empêcher de trouver Shining absolument fascinant et leur musique oscillant entre phases nostalgiques au possible et phases plus brutales incroyable. Niklas est peut-être le plus taré des chanteurs de black. Vraiment. Il arrive sur scène en faisant un doigt d'honneur au public et en arborant un tshirt "crevez tous" et répète à maintes reprises d'aller tous nous faire foutre, nous crache son Jack Daniel au visage (quand il ne nous crache pas tout court à la gueule) et ne nous salue même pas en sortant de scène. Un malade. C'est bien pour ça qu'on l'aime, d'ailleurs. Je regrette presque qu'il n'ait pas dédicacé quelques bras au cutter comme il le fait parfois.


 Samedi était la journée ayant la programmation qui m'excitait le moins, les vieux groupes de hard rock ne m'intéressant que peu. On aurait pu enchaîner sur Protest the Hero qui est un groupe de prog aux sonorités punk bien sympa que j'aurais aimé voir, mais on a préféré se balader tranquillement, laissant nos pas nous conduire à la grosse nouveauté du fest cette année : la grande roue. J'ai toujours été convaincue que les métalleux étaient la sous-culture ayant leur part d'enfance la plus vivace, et le succès qu'a remporté la grande roue n'a fait que me conforter dans cette idée. Il a fallu patienter de bonnes minutes ─ juste le temps de sympathiser avec un couple d'anglais super cool (et super bourré) ─ avant de pouvoir y monter. C'est sympa de survoler les chiottes avec les mecs qui pissent juste en dessous (et l'odeur qui remonte, évidemment. Sinon ce ne serait pas folklo), de surplomber tout le festival, de tourner la tête et de voir des vignes et la campagne à perte de vue. Joli contraste. On admirait le paysage sur fond de Status Quo qui se produisait au même moment sur la mainstage. Entendre "In the army now" en prenant des selfies avec des anglais bourrés qui t'appellent babyyy en te faisant des câlins tout en étant à un bon paquet de mètres au-dessus du sol avait quelque chose de totalement surréaliste, et donc de totalement cool.

Y avait aussi un super chouette corbal qui nous surveillait.
 D'un côté le fest, de l'autre, les vignes.

 En descendant de la grande roue, on a foncé voir Clutch. Programmés l'an dernier, leur concert avait finalement été annulé. Quelle joie de les voir enfin ! Mais, comme pour Electric Wizard, la mainstage aurait été bien plus judicieuse. Bon sang, le stoner c'est tellement fantastique. Ma sainte trinité métallesque est composée du black, du pagan et du stoner. Le reste c'est bien aussi, mais ça, c'est tellement ce qui m'émoustille le mieux. Surtout Clutch. D'ailleurs voir Electric Wizard et Clutch en l'espace de deux jours, ça aussi c'est un truc totalement surréaliste. Bordel.
Après avoir laissé mes oreilles jouir, on aurait pu aller regarder Deep Purple de loin, ou aller lapider Eluveitie parce qu'il me faut bien un bouc émissaire chaque année et qu'Eluveitie c'est un peu de la daube, quoi. Pas de chance, j'avais oublié mes cailloux pointus à la maison. Du coup on est juste allées manger avant de revenir pour Gorgoroth. Bon ben sans Gaahl, c'est vraiment pas pareil. Limite ça perd de son intérêt. Mais bon, j'avais mis mon super débardeur de groupie pour eux ce jour-là, alors il fallait bien y être. J'ai essentiellement retenu du concert un groupe de mecs qui gueulait "JACQUES CHIRAC !" en dansant la macarena pendant la moitié du concert. Sacrés métalleux ♥ Y avait Carcass qui passait juste après, mais la fatigue nous ayant déjà gagnées et les ayant déjà vus, on a préféré aller se pieuter parce que le lendemain matin, fallait être à la barrière de la mainstage de bonne heure.

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 Effectivement, le lendemain matin, c'était dimanche. Y avait un peu l'un des concerts que j'attendais le plus, tellement que je me suis levée tôt. Imagine l'effort surhumain que ça m'a demandé. Mais bordel, on était pile devant pour Blues Pills et pour voir mon pote Dorian jouer. Dorian, c'est le mec à qui je donnais des cours de maths au lycée. A l'époque déjà il nous en mettait plein les esgourdes et nous hypnotisait par son talent. Ça m'a même pas étonnée quand il est passé pro. J'étais arrivée en avance pour le concert, pratiquement en courant et en faisant du charme aux gens à la barrière pour qu'ils me laissent une place pile tout devant au milieu. Dorian était déjà là, je lui faisais coucou de manière pas du tout discrète évidemment, et j'étais putain de fière que mon petit bro joue sur la même scène qu'un paquet de grands noms. J'ai vu Maxime Musqua passer sur le côté de la scène, je me suis demandée ce qu'il foutait là avant de me rappeler que le Petit Journal parlait du fest chaque année. Et puis ça a commencé. La voix d'Elin a commencé à résonner et je me suis dit que cette femme était encore plus impressionnante en live qu'en vinyle. C'est réellement la réincarnation de Janis Joplin tellement il y a de l'or dans sa voix. Et Dorian tricotait toujours aussi bien. Le concert n'a duré qu'une demie-heure soit six morceaux, c'était affreusement court. J'ai hâte de les revoir en live. Ces gars-là ont de l'avenir. D'ailleurs ils sortent un nouvel album en août, je t'en parlerai peut-être quand je le recevrai.


 Lofofora passait juste après, on a vite reculé de la barrière histoire de ne pas décéder de si bon matin les poumons pleins de la poussière soulevée par les pits. C'est le genre de groupes de punks français avec un message et une énergie positive qui te met de bonne humeur pour la journée et qui est encore meilleur pour démarrer le dernier jour du fest qu'un grand verre de jus de pamplemousse. Et puis comme ça creuse, on s'en est allées déjeuner et faire la sieste ensuite (parce que je te répète qu'il faisait vraiment super chaud cette année). Vers 15h, y avait Seether qui se produisait sur la mainstage. Tous les feels qui sont remontés, je te raconte pas. Un mélange de madeleine proustienne et de honte. Y a des groupes comme ça que t'écoutais quand t'étais ado et que t'as un peu de mal à assumer aujourd'hui. Mais bon, au moins je justifiais ma présence du côté de la mainstage par le fait que Behemoth passait en séance de dédicaces une heure plus tard.

J'avais le cœur qui battait la chamade en imaginant ce qui allait se passer : j'allais leur serrer la main à tous en bafouillant qu'ils étaient formidables, et je claquerais la bise à Nergal en lui disant qu'il est mon modèle dans la vie. Je tenais mon vinyle à dédicacer dans un sachet que je remuais nerveusement. Une heure à poireauter au soleil pour attendre de rencontrer Behemoth, c'est méga long. Heureusement, j'ai rencontré un super groupe de fans russes à moitié bourrés avec lesquels j'ai pu discuter politique et black métal. C'était rigolo. Ils sont chics, les metalheads russes. Le truc que ni eux ni moi n'avions calculé, c'est qu'à deux rangées de types devant nous avant de passer aux dédicaces, le vigile a dit "stop, ça s'arrête ici pour Behemoth". Boum, comme ça, paf. Pas de claquage de bise ni de serrage de main avec Behemoth. Une heure à attendre impatiemment en vain. C'était comme si tu agitais une sucrerie sous le nez d'un gosse et que tu la bouffais sous ses yeux. On a supplié le vigile, on lui a promis qu'on le sucerait s'il nous laissait passer, on s'est mis à genoux dans la poussière en le suppliant. Il n'a pas bronché le salopiaud. Du coup j'étais très très frustrée, je me suis jetée à la barrière, Nergal était à deux mètres de moi, en ravalant mes larmes je lui ait dit qu'il était mon inspiration et que pitié, il fallait qu'ils continuent d'être aussi incroyablement merveilleux. C'était vraiment le moment fangirl de ma vie. Nergal m'a regardé et m'a simplement dit "merci". Je crois que je n'ai jamais été aussi ravie qu'on me remercie. Ensuite j'ai pas trop bien suivi ce qu'il s'est passé, il me semble qu'une horde de fans eux aussi frustrés s'est élancée contre la barrière, agitant mains et disques dans l'espoir de les faire dédicacer, me broyant légèrement. Et entre nous soit dit, les vigiles c'est rien que des connards. Les mecs ils te refoulent en t'interdisant carrément de tendre un disque au groupe. Ce doit être des gens super funs au quotidien, les vigiles. Tsss. Mais qu'importe, quelques fans ont réussi à avoir leurs disques signés, et au milieu de tout ce bordel, Nergal m'a tendu un autographe. C'est bon, je pouvais crever en paix. Enfin non, pas tout de suite, y avait quand même leur concert plus tard dans la journée.

Much perfection.

 Le concert de Behemoth avait lieu à 19h50. De 17h50 à 18h40 il y avait Equilibirum que j'aime d'un amour pur, et de 18h45 à 19h45 il y avait The Black Dahlia Murder que je porte en mon cœur depuis des lustres. Mais purée, il y avait Behemoth à 19h50 sur la mainstage, et il fallait absolument que je sois à la barrière. Imagine le bordel dans ma tête. C'est impossible de faire tous les concerts que tu veux, au Hellfest. J'aimerais bien pouvoir me cloner mais bizarrement j'ai pas encore réussi. Du coup j'ai tranché et je suis partie à la barrière attendre pendant plus de deux heures que Behemoth se produise. J'ai réalisé que la barrière, c'est le but de certains dans la vie. C'est le but de la groupie, précisément. En l'occurrence, il y avait un couple en tshirt Emperor qui attendait depuis l'ouverture du fest ce matin. Respect les mecs, mais quand même, c'est un peu con, y a tellement de trucs à voir. M'enfin bon.
Pour être certaine d'avoir la barrière, j'ai dût assister au concert d'Annihilator. Dit comme ça, ça sonne comme une putain de corvée. A la vérité, c'était carrément cool. Bon, je suis totalement décédée étouffée par la poussière des pits énormes conduisant les pompiers à utiliser leurs gros canons à eau sur nous (c'était chouette) et sous le poids des très nombreux mecs qui crowd surfaient, mais c'était très sympa. Le trash n'est pas vraiment un genre que je connais très bien, bien qu'il soit assez proche du punk. Mais même sans bien connaître, j'ai adoré. Les mecs d'Annihilator foutent le bordel en deux minutes à peine, c'est magique. Je devrais peut-être me mettre au trash.

 Quand ce fut finalement au tour de Behemoth de monter sur scène, tu sentais déjà que ça allait être dingue. J'en avais totalement oublié Solstafir que j'adule tout autant et qui passait en même temps (le choix cornélien fut de choisir entre les deux, d'ailleurs). La scénographie minimaliste était parfaite, l'ambiance était mystico-rituelle, on a eu droit à des changements de costumes, du sang, de la super jolie pyrotechnie et des lancers de confettis noirs. Nergal avait même sorti son fabuleux collier en pattes de poulet pour l'occasion. Ils ont commencé par l'un de mes morceaux favoris et ont essentiellement interprété leur dernier album (qui est une véritable perle). C'était ouf. Nergal est un véritable phénix, c'est impressionnant. Et c'est encore un bon exemple de ce que j'entends quand je te dis que les chanteurs de black ont l'air possédés par une force surnaturelle. Regarde les chanteurs de black dans les yeux, tu comprendras ce que je veux dire. Ils sont carrément habités.

Attention, overload de photos. Je crois que sur les 880 photos que j'ai faites ce weekend, il y a un bon 20% d'entre elles qui sont des photos de Behemoth.






Le truc trop bien c'est que je suis sur la photo qu'ils ont faite. Wheeeeeee─ !


 Behemoth made my day. J'ai pas pu leur claquer la bise ni faire de selfie avec eux mais rien à battre, leur concert valait tellement le coup à lui seul (mais c'était beaucoup trop court ;_;). Je suis ressortie totalement aphone tellement j'ai poussé de cris gutturaux et gueulé les paroles des chansons, en bonne groupie qui se respecte. J'étais tellement ailleurs que j'en ai presque oublié le concert des Misfits qui débutait juste après dans la Warzone (la scène punk, que j'avais beaucoup squattée l'an dernier). Sans surprise, c'était blindé quand je suis arrivée. D'ailleurs je suis arrivée pile pour une de mes chansons préférées. Ça m'a fait plaisir de les voir, c'est le genre de vieux groupes que t'as écouté pendant super longtemps, que t'écoute encore, et que tu ne pensais pas réussir à voir un jour. Ben voilà, je peux rayer les Misfits de ma liste de trucs à voir. Ils ont bien vieillis et ils avaient l'air bien crevés, mais merde, c'est les Misfits et c'est cool.

Juste après il y avait Emperor sur la mainstage. Emperor c'est un peu genre THE groupe de black. Tu me diras qu'il y a un paquet de groupes cultes de black, mais Emperor c'est tellement dur de les voir en live que si t'avais un concert de black à voir au Hellfest, c'était eux. J'ai repensé au couple à sa barrière. Ils devaient être tout fébriles. On a regardé le concert de loin, ça avait l'air bien. Et puis je pensais à Spirit Caravan qui passait en même temps sous la Valley, ça m'a rendue un peu triste. Faut vraiment que je m'entraine à me cloner d'ici l'an prochain.
Vers 23h y avait Black Sabbath. J'avais déjà vu Ozzy il y a trois ans, je m'étais dit que j'irais voir la moitié du concert avant de partir devant l'Altar voir 1349 que j'avais découverts au Hellfest la même année et qui m'avaient bien charmée, avant de finir par Opeth, l'un de mes groupes fétiches. Sauf que j'ai fait une rencontre étrange et si surréaliste par un inouï concours de circonstances ou un coup de karma chelou, et que j'ai fini par ne voir aucun des derniers concerts que j'avais planifiés. Pas grave, ça valait tous les concerts d'Opeth du monde, cette rencontre. En plus il parait qu'Ozzy avait l'air d'un papi qui cherche ses lunettes en ricanant comme un perdu. Même qu'il a foiré War Pigs et tout. J'ai entendu Iron Man de loin, ça m'a quand même rendue toute chose.

Et j'ai quitté le Hellfest, en laissant aux pieds de King Kong un doux souvenir et une promesse. J'ai retrouvé ma daronne un sourire bizarre aux lèvres, on a regardé la grande roue tourner une dernière fois tandis que résonnait Into the Void et on a dit à l'année prochaine à Clisson. "See you next year, headbangers".


 Le Hellfest cru 2014 était bien sympathique, comme toujours. La programmation a beau être de plus en plus diversifiée (ce qui est une bonne chose), il y a toujours des groupes que tu aimes. Obligé. Ou bien des groupes que tu ne connais pas encore et que tu es ravi de découvrir. Cette année on a passé le Hellfest en mode vacances, à prendre notre temps et à camper si on le voulait plutôt qu'à courir dans tous les sens afin de voir le maximum de concerts possible sur les 53 quotidiens. Et ça fait du bien, de se poser un peu et de prendre son temps. L'ambiance et le public changent pas mal d'année en année, j'ai l'impression. L'an dernier je n'ai pratiquement croisé personne avec un tshirt Ghost, cette année on devait être une bonne cinquantaine (j'ai pas compté deux fois les mecs qui gardent le même tshirt pendant trois jours). D'ailleurs il a eu vachement de succès, mon tshirt Ghost. Je ne sais pas si c'est parce que je suis à moitié à poil quand je le porte ou bien si c'est parce que Ghost a véritablement conquis les foules l'an dernier, mais ça m'a fait plaisir. Gari aussi a eu du succès (mais si tu sais, mon Usakumya que je traîne dans tous les concerts et festoches). Il est rentré tout noir, d'ailleurs. Lui aussi il a bronzé. Bref. Ouais, le public qui change et qui pogote moins, je ne sais pas trop pourquoi, peut-être parce que la programmation cette année était surtout axée hard rock et touchait de fait plus les néophytes du métal que les habitués des walls of death. M'enfin bon. J'ai hâte de voir ce que la programmation de l'an prochain nous réserve !

En attendant, voilà quelques photos en vrac, juste parce que les gens sont beaux.

Swaggy metalhead mom.
Mec qui dort quand même en plein concert de black.
Beaux cheveux.
Haha, un fesseau c'est une petite fesse.

 En rentrant, j'ai encadré ma dédicace de Nergal, j'ai fait une grosse lessive de fringues noires, j'ai débarbouillé Gari, j'ai récuré mes rangers, j'ai constaté que bien que m'ayant tartiné de crème solaire, j'avais réussi à chopper l'habituelle marque de bronzage du festivalier ─ aka la marque du bracelet, j'ai rigolé, et j'ai commencé à bader. Normal. Ça se passe toujours comme ça. Alors ce que je fais généralement pour me consoler, c'est que je me fais une playlist des meilleurs morceaux du fest et que je me l'écoutant en chouinant pendant une semaine, comme si je venais de me faire larguer. Alors je partage quelques morceaux hétéroclites de ce Hellfest 2014 que tu pourras écouter en chouinant si tu veux, t'as juste à cliquer ici. Tu peux chouiner encore plus fort en allant voir ou revoir certains concerts bien filmés par Arte juste ici. Et si jamais tu n'es pas rassasié, un mec a fait une putain de longue playlist par-là.

Allez, bisous.