lundi 5 novembre 2012

La sortie du dimanche - Théâtre : Les serments indiscrets

         Je sais que nous sommes aujourd'hui lundi et que par conséquent le titre de cet article semble inapproprié. Toutefois, je vous proposerai tous les dimanches (sinon les lundis...) un petit compte-rendu d'une sortie culturelle faite dans la semaine. Me connaissant, il s'agira essentiellement de cinéma, d'expositions et de spectacles, parfois de festivals et d'opéras.

   Pour commencer cette petite chronique, j'ouvre le bal avec la pièce de Marivaux Les serments indiscrets, mise en scène par Christophe Rauck à laquelle j'ai assisté hier au Théâtre Gérard Philippe.

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Crédits photos : Anne Nordmann
     S'il me faut confesser ne pas être particulièrement cliente des pièces de Marivaux que je trouve généralement redondantes et au final assez ennuyantes, il m'a paru redécouvrir totalement son écriture à la vérité très agréable à travers cette mise en scène. Quand l'on se rend voir du Marivaux, il pourrait sembler justifié de s'attendre à voir quelque chose d'assez pompeux et ampoulé, avec de grandes robes du XVIIIe siècle et un phrasé quelque peu indigeste, bref, quelque chose de désespérément rasoir. Que nenni ici, bien au contraire même. Décor minimaliste et superbe (quelques fauteuils, une table, un tapis), scène garnie de bougies et ornée de voilages noirs, images projetées sur les voiles et lumière tamise donnent à la pièce un caractère très intimiste, presque onirique avec ces chandeliers qui pendent du plafond. Les acteurs sont présents sans être là, on les voit se mouvoir en coulisses derrière les tentures fantomatiques, c'est très plaisant.

Le texte parle d'une histoire comme l'on en voit tant chez Marivaux, et qui ressemble à l'inverse des histoires de Molière, une affaire de mariage organisé auquel les deux promis veulent se soustraire mais finissent finalement par s'éprendre l'un de l'autre dans un jeu destructeur de "je t'aime moi non plus" ; Mais à dire vrai, peu importe la trame de l'histoire car au final, si ce scénario a déjà été vu et revu, l'interprétation n'en reste pas moins exceptionnelle (Lisbeth est particulièrement excellente et rythme la pièce à merveille). C'est du théâtre vivant, avec des personnages incarnés à la perfection et qui vous emportent avec eux. Les comédiens sont tous meilleurs les uns que les autres, et dans leur bouche, les mots de Marivaux deviennent aussitôt très agréablement fluides. Si le jeu de la comédienne interprétant le rôle de Lucile peut au départ agacer tant il est hystérique, il apporte à la vérité une véritable jeunesse au personnage et confère par la même occasion à la pièce un caractère incroyablement psychologique. L'on peut ainsi l'entrevoir sous un angle psychosociologique : l'éternelle thématique du mariage et la toute aussi sempiternelle incompréhension parents/enfants, les enjeux de ce mariage et les intérêts de sa propre personne, la folie possible de la protagoniste principale...

Si le cadre semble se situer quelque part entre le XVIIIe et le XIXe siècle, les morceaux de costumes d'époque portés avec des vêtements modernes semblent lancer un pied de nez au Marivaux classique, un peu comme une façon de dire "vous voulez du Marivaux? Eh bien en voilà". L'utilisation d'éléments aussi anachroniques que la vidéo apporte beaucoup au spectacle, car extrêmement bien intégrée à la pièce. La fin est par ailleurs particulièrement belle et met un point d'honneur à cette superbe représentation, qui me rassure en me prouvant qu'il existe encore des gens qui font du théâtre, du vrai.

Bref, si vous êtes las des mises en scène pédantesques comme celles que l'on peut voir à la pelle aujourd'hui lorsque l'on souhaite voir du théâtre, rendez-vous au TGP de Saint-Denis où ces superbes serments indiscrets vous attendent jusqu'au 2 décembre.

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