dimanche 10 novembre 2013

La sortie du dimanche - Snowpiercer


 Dans la vie, il y a des choses pour lesquelles je développe une passion particulièrement ardente. Des choses comme le cinéma coréen, Tilda Swinton, les huis-clos, la science-fiction et les dystopies par exemple. J'aime bien Song Kang-Ho, aussi. Alors quand j'ai vu le trailer de Snowpiercer, le plus gros blockbuster de l'histoire du cinéma coréen réalisé par Bong Joon Ho et adapté de la bédé franco-française Le Transperceneige (que je n'ai pas encore lue ; Je suis très - très - friande de comics, un peu moins de bédé, même quand c'est un truc culte de la SF des années 80), il a semblé évident que j'aille voir cette aventure bibliquo-science-fictionnesque.

 Les catastrophes naturelles font partie des thèmes de science-fiction qui me passionnent le mieux, et les scénarios post-apocalyptiques encore plus. Dans Snowpiercer, après une tentative ratée de juguler le réchauffement climatique, une terrible ère glacière gèle la planète entière hormis quelques rescapés se réfugiant depuis 17ans dans un train incroyable au moteur à mouvement perpétuel et aux rails faisant le tour du globe, véritable réécriture de l'arche de Noé. A la différence que dans l'arche, les girafes ne foutaient pas sur la gueule aux vaches parce que ces dernières voyageaient en première classe (ou alors ça n'est pas mentionné dans la Bible). Ici, dans ce titanesque train composé d'une multitude de wagons, chacun est assigné à une place et se doit de la garder, faisant ainsi un terrible clivage entre l'avant et l'arrière, les riches et les pauvres. Ces derniers vivant dans des conditions similaires à celles des camps de concentration trouvent en Curtis la figure d'un meneur et décident alors de se rebeller et de monter à la tête du train où se situe son créateur, un mystérieux Mr. Wilford, genre de Capitaine Némo et véritable dieu vivant.


 Comme pour la plupart des films qui m'ont plu, je ne sais jamais vraiment bien par quel bout commencer. C'est exactement le genre de film que j'aimerais regarder en faisant pause toutes les cinq minutes afin d'analyser en profondeur chaque détail, chaque plan, afin de saisir toute la richesse du scénario et les pépites de mise en scène soutenues par des acteurs irréprochables. En attendant d'effectuer ce travail d'approfondissement, voilà mon avis de manière un peu plus superficielle. Tout d'abord le scénario, bien que relativement classique, est bien écrit et évite avec brio le manichéisme dans lequel il es pourtant très aisé de tomber dès l'on parle de luttes des classes. L'allégorie de la société, pourtant évidente et appuyée, fondée sur l'exploitation des uns par les autres, est superbe et réalisée avec une grande finesse. Et dieu sait combien il est simple de tomber dans les poncifs, a fortiori dans les blockbusters mais il n'en est rien ici. Le film traite de l'idéologie, de la société et de l'humanité avec maturité mais également en apportant un regard froid et âpre. L'odyssée de cette poignée d'insurgés déterminés à s'extirper de leur misère en défiant l'ordre policier permet de s'intéresser d'avantage à l'être humain et c'est bien là toute la force du film car il pose des questions morales intéressantes : jusqu'où est-on prêt à aller pour retrouver sa dignité ? Qu'est-ce qui est juste ?

  Les personnages sont bien dessinés et l'on s'y attache sans peine (même à Curtis à ma grande surprise, interprété par Chris Evans que je pensais avoir le charisme d'une huître). La façon dont est appréhendé le train est tout particulièrement intéressante. Dispositif initiateur du récit et théâtre des événements, il devient, en soi, un personnage effrayant. Cela n'est pas sans rappeler la créature de The Host ou la Mère Courage de Mother qui laissent place ici à une machine certes mécanique mais pas moins organique. Et c'est là que la métaphore sociale prend une dimension singulière et unique : la société devient un univers mental, perçu subjectivement comme un cruel surmoi maternel déterminant le sort des individus. On passe du macrocosme (la civilisation) au microcosme (le train), d'un collectif social à la psyché. C'est juste dingue. Jamais pourtant le discours explicite n'affaiblit les visions que cette situation imaginaire engendre. Snowpiercer, à l'instar des précédents films de Bong Joon Ho, a cette capacité à traverser divers niveaux de lecture (et c'est la structure même du film) pour atteindre une vérité dont on ne percevait que des manifestations allégoriques ou cryptées. La révélation finale survient de fait avec la prise de conscience que l'allégorie première et immédiate n'est pas forcément la seule possible.

 
 La réalisation est fabuleuse, la mise en scène brutale, violente et en perpétuelle quête de mouvement, faisant du film un genre grande fuite en avant et, par ce train qu'on ne peut arrêter, fait la métaphore des activités humaines. Quelques accalmies n'ôtent pas pour autant la tension des scènes et favorisent ainsi un développement psychologique fort. La photographie, à l'habitude des réalisateurs coréens, est merveilleuse. L'extérieur du train est une succession sans fin de villes gelées, l'intérieur est un chef-d'oeuvre de décor de cinéma, chaque nouvelle voiture traversée par les rebelles réservant sa part d'enfer grotesque ou de féerie saugrenue. De tous les blockbusters post-apocalyptiques sortis cette année (et il y en a eu un bon paquet, j'ai d'ailleurs un très long article en cours sur ce sujet qu'il faudra que je termine de rédiger un jour), Snowpiercer est de loin le plus inspiré (le mieux réalisé, aussi. Le meilleur, quoi). Sa science-fiction imprégnée de l'air du temps laisse de la place pour d'autres significations, d'autres lectures, plus intemporelles.

Et si ça t'intéresse, il y a une petite exposition des croquis et de quelques storyboards ayant servi pour le tournage du film jusqu'au 27 novembre au centre de la culture coréenne à Paris.

4 commentaires:

  1. Je vois que tu as été emballée toi aussi, j'ai été le voir mardi dernier et même si j'ai pinaillé sur quelques trucs qui ne m'ont pas plu, il a réussi à m'étonner, je l'ai même trouvé frais en fait avec de bonnes idées et beaucoup de sincérité dans la réalisation, bref ça fait plaisir. (et puis Tilda Swinton est beaucoup trop bien dedans j'ai trouvé que l'ambiance du film n'était vraiment campée qu'à son arrivée)

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    1. C'est vrai qu'ils y a quelques passages un peu superflus et des défauts, mais dans l'ensemble c'est nettement au-dessus du paquet de bouses qu'on a pu nous servir cette année. Et puis un bon blockbuster, c'est rare. Et je t'approuve totalement pour Tilda. Je tremblais d'ailleurs d'impatience à la voir arriver. Contente de savoir que tu as également aimé ce film en tout cas !

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  2. Bon, d'accord, mais on peut parler de ce putain d'ours polaire en 3D ou pas ?

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    1. On peut parler de l'ours si tu veux, mais je ne l'ai vu qu'en 2D. D'ailleurs il parait que la bédé ne se termine pas par un happy-ending comme c'est le cas dans le film ; Je me demande s'il y a aussi un ours.

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