vendredi 8 août 2014

Reborn sounds of children dreams

 C'est l'été et hormis partir une semaine chez ta tante Berthe à Bouzoux-sur-Oust, t'as pas grand chose de prévu ; T'as envoyé tes CVs trop tard pour pouvoir bosser comme technicien de surface au McDo de ton bled, t'as pas la thune pour partir en roadtrip à travers le monde, Paris plage te donne des boutons et t'as qu'une angoisse : t'ennuyer. Si c'est le cas, je lève ma main pour un high five parce que toi et moi muchacho, on se comprend. Mais tékaté, je t'ai préparé un petit florilège de films frais et au bon goût de vacances pour ces jours où la canicule (ou l'ennui) t'obligera à rester chez toi avec ton pastis en intraveineuse (et avec autre chose pour te détendre que l'intégrale du Gendarme de Saint-Tropez). Pas d'analyse filmique à suivre, juste quelques lignes qui, je l'espère, te donneront envie de te rafraîchir un peu culturellement. Bon, ok, on est en août et j'avais initialement prévu de publier cet article plus tôt, mais tu sais, les films à suivre sont également bien efficaces en cas de winter blues pour quand tu te feras chier pendant les vacances de Noël et qu'on te traînera à l'habituel repas de famille chez Mamie Suzette.


Kikujiro no natsu (1999)
Takeshi Kitano a toujours été mon réalisateur japonais contemporain favori. De Dolls à Achille et la tortue en passant par A scene at the sea, il se dégage de nombre de ses films une poésie empreinte d'une douce mélancolie. Kikujiro no natsu n'échappe pas à la règle et est devenu un classique du cinéma japonais, et l'un de mes classiques personnels. Les road-movies ont vraiment un côté estival d'après moi, et le voyage à travers la campagne d'un yakuza accompagnant un gamin de neuf ans après avoir perdu toute leur thunes en priant sur des jockeys, a tout du road-movie excentrique (et donc super estival). En réaction à ses précédents films perçus comme trop violents par la critique, Kitano fait suite à Hana-bi en explorant ici la relation subtile entre Kikujiro, un adulte un peu fripouille (interprété par Kitano lui-même qui n'hésite pas à faire de l'auto-dérision), et Masao, un enfant innocent à la recherche de sa mère.

Kikujiro no Natsu est un road-movie comme je les aime, touchant et rigolo avec quelques pointes bien placées de drame, le tout sous forme d'une jolie promenade dans la cambrousse japonaise en compagnie de deux protagonistes très humains. La photographie unique de Kitano rend chaque paysage éclatant de couleurs (bien qu'on ne soit pas encore au niveau de l'explosion de nuances de Dolls) et son montage aux transitions brutes créé une façon très intéressante de raconter des histoires. A cela s'ajoute la très belle bande son composée par Joe Hisaishi, dont Summer le thème principal, est reconnaissable entre mille dès les deux premières notes.
Si toutefois tu n'es pas un habitué du cinéma japonais, il possible que la première demie-heure du film te paraisse un peu longue. Mais une fois que les deux compères s'en vont à travers champs, les choses deviennent plus fun et la magie ne disparait plus.

L'humour de Kitano est simple, parfois un peu enfantin, mais grâce à la superbe photographie et au jeu de Kitano (plus parfait que jamais dans ce film, qui semble avoir été réalisé rien que pour mettre en lumière son génie en tant qu'acteur), c'est absolument parfait. Le fond dramatique fonctionne superbement avec l'atmosphère relaxante du film et la BO magnifie parfaitement le tout.  
Kikujiro no Natsu est un road-movie adorable que j'ai toujours recommandé avec beaucoup d'enthousiasme à qui veut s'y essayer ; Ça n'est cependant pas mon Kitano préféré, mais ça c'est juste parce qu'il a fait tellement de perles qu'il est difficile de choisir.


Moonrise Kingdom (2012)
Lorsque j'ai vu ce petit bijou pour la première fois, j'en suis aussitôt tombée amoureuse. Wes Anderson est certainement mon réalisateur contemporain fétiche : photographie toujours parfaite, élégance, intelligence et poésie sont les principales caractéristiques de son univers et font qu'à chacun de ses films, on s'en prend plein la gueule, dans le meilleur sens possible. Moonrise Kingdom est incroyablement pétillant, beau et ingénieux. C'est le genre de film pratiquement impossible à raconter et qui mérite d'être vu ─ vécu, même ─, le genre de film à la Wes Anderson, c'est-à-dire une comédie romantique baroque croisée avec un film d'aventure, avec Françoise Hardy en fond et un casting dingue pour porter le tout.

Sur une petite île paumée au nord de la Nouvelle Angleterre (le genre de coin où je me vois carrément habiter d'ici quelques années), Suzy vit avec sa famille. Sam quant à lui est un scout dans un camp estival pas très loin. Ils ont douze ans, se rencontrent lors d'une représentation de l'arche de Noé par l'école locale à l'église du bled, et tombent amoureux. Cet amour interdit va les conduire à s'enfuir tous les deux dans un plan hyper organisé. Le truc magique avec Wes Anderson, c'est que dans chaque chose, même la plus simple a priori et dans chaque détail, à chaque instant, dans chaque délire, il y a un sérieux imperturbable. C'est pour ça, pour sa faculté à raconter des trucs hallucinants, improbables, complètement allumés, mais toujours avec un énorme sérieux que Wes est mon réalisateur contemporain favori. Il y a toujours un tas de petits détails que l'on découvre parfois au bout du troisième visionnage seulement, plein de petite choses qui apporte encore plus au charme de ses films. Chaque plan est un tableau, et si j'avais la place chez moi, j'aurais très certainement une immense pièce couverte de grands tirages d'images issues du travail de mon chouchou de réalisateur.

Ode à l'enfance et à l'imagination, pied de nez à la folie du monde adulte, éloge des sentiments courageusement affirmés, Moonrise Kingdom se savoure sans modération. Nique la norme, lève-toi pour ce qui est sincère, exalte ta fantaisie au lieu de l'étouffer pour faire plaisir à autrui au lieu d'être malheureux. Je ne vais pas me livrer à une analyse maintenant, mais il y a tant à découvrir et à tirer de ce véritable petit bijou qui a sût facilement se hisser, dès le sortir du cinéma, dans le Top 3 de mes films préférés.


Saya Zamurai (2011)
Matsumoto, c'est le génie taré à l'origine de films métaphysico-chelous tels que le fameux Symbol (si tu n'en as jamais entendu parler, dépêche-toi de l'ajouter à ta liste de films à voir ; Je dis ça pour ton bien). Saya Zamurai est dans la parfaite lignée de son travail, totalement con et brillant à la fois. Le plot est très simple : un "samouraï" se retrouve prisonnier d'un seigneur se retrouve condamné au défi des trente jours : trente jours soit trente tentatives de faire sourire le fils du seigneur qui est inexpressif depuis le décès de sa mère. S'il réussi, il sera libre. S'il échoue, il sera contraint de faire seppuku. Je mets des guillemets à "samouraï" parce qu'il a plus l'air d'un clown totalement paumé dans sa vie que d'un Toshiro Mifune, avec son fourreau de katana vide et ses culs de bouteille sur le nez. Malgré cela, son but reste incroyablement héroïque : faire rire ou mourir en essayant.

Ce genre de scénario peut rapidement devenir très redondant, mais Matsumoto parvient à faire de ce pattern a priori simple et évident quelque chose de plus complexe, le renversant même sur la fin. Chaque gag est hilarant et unique, plus dans la recherche de son concept que dans sa réalisation, et certains deviennent drôles tellement la blague de base ne l'est pas. Les personnages sont gentiment idiots mais néanmoins très attachants, surtout Nomi, le principal protagoniste. En plus de son air d'abruti perdu, il est timide mais déterminé, a tout au plus cinq dents dans sa bouche et s'exprime de manière désolée comme s'il s'excusait au monde entier ; C'est un clown-clochard triste en costume de samouraï.

Dans la plupart des bonnes blagues, il y a une part de vérité. Dans Saya Zamurai, ce qui engendre le burlesque est la détermination de Nomi. Faire rire ce gamin peut bien être impossible, mais Nomi va s'efforcer d'essayer, même si cela signifie la mort. Dans la première scène du film, il se fait poignarder, tirer dessus, briser les cervicales mais la seule chose éventuellement capable de le conduire à sa perte est son incapacité à faire rire autrui. Parfois, faire rire demande un effort supplémentaire, effort incroyablement noble et digne, même s'il te ramène au rang de bouffon. Au fond de toute cette cocasserie semble se trouver l'idée qu'il n'y a rie de pire qu'un comédien qui meurt sur scène, et ce fut peut-être l'idée initiale de Matsumoto lorsqu'il a réalisé ce film, brillant et rafraîchissant (un peu comme une bonne limonade.)


We're the Millers (2013)
Ça, c'est un machin qui n'a pas grand chose à voir avec les films que tu es habitué à me voir traiter de manière aussi gentille ici. Parce que c'est un blockbuster. Eh ouais. Mais figure-toi qu'il arrive parfois ─ rarement ─ qu'une super-production me fasse me tordre de rire au point d'en chopper des crampes au bide et de convertir tous mes potes aux gags dudit film. We're the Millers est l'un d'entre eux. Scénario bateau de blockbuster, casting classique de têtes connues (dont le fantastique Will Poulter), mais putains de gags. Sérieux. Enfin, en supposant que tu aies un humour aussi catastrophique que le mien (mais si tu continues à lire ce blog, je suppose que c'est le cas). A la manière de Little Miss Sunshine, on est entraînés dans un road-trip avec une fausse famille de gens rassemblés dans un seul but : faire passer tout un camping car blindé de weed du Mexique aux USA. Magique. Bien entendu comme dans tout blockbuster qui se respecte, les personnages sont des archétypes et tout est prévisible, mais bon sang, la qualité des gags vaut tous les clichés du monde. Le principal protagoniste est un vieil ado qui deal, sa voisine une strip-teaseuse, le gamin un crétin puceau, la gamine une ado fugueuse qui doit certainement avoir la discographie complète d'Avril Lavigne sur son iPod, et la famille qu'ils rencontrent est le parangon de la famille américaine classique (à savoir cons comme mes pieds et chrétiens conservateurs comme c'est pas possible). Rien de profond, de beau ou d'intelligent ni de métaphysique dans ce film, juste de la connerie rafraîchissante en barre (et des éclats de rire. Plein. Promis).


Carnival of Souls (1962)
Contrairement aux films ci-dessus, Carnival of Souls n'est pas un gentil film qui te donnera envie de partir à l'aventure sur ton canapé. Pas du tout. En effet, il s'agit d'un film culte de série B ayant inspiré moult réalisateurs par la suite. Pourquoi je te parle d'un film d'épouvante trois mois avant Halloween ? Simplement parce qu'il n'y a pas d'heure pour mater ce genre de film, et puis parce que quand on meurt de chaud, quelques frissons ne font jamais de mal. Film d'épouvante donc, mais si tu t'attends à des meurtres, des flots de faux sang ou des plans super angoissants, je t'arrête tout de suite ; Il s'agit ici d'un film s'adressant aux acolytes des atmosphères et de l'épouvante, aux fans des angoisses lentes, creepy et continues, bref, aux amateurs de la plus pure tradition du cinéma d'épouvante surnaturelle. Avec son intrigue lente et sa fin étrange, ses images envoûtantes dans ce superbe noir et blanc d'époque et son orgue inquiétant en fond sonore, Carnival of Souls ressemble un peu à un épisode d'une heure et demie de The Twilight Zone. Un genre de film de série B, sans le B mais avec un micro-budget quand même.
La force et l'intérêt de ce film ne résident pas dans le jeu des acteurs totalement inconnus ni dans le scénario (eh, série B je te dis), mais dans l'atmosphère carrément ensorcelante des scènes tournées dans une véritable foire abandonnée des années 20. L'ambiance embaume le mystère et la mort, un peu à la manière de l'Overlook Hotel dans Shining.
Sorti à l'époque des films jetables des drive-in, Carnival of Souls a été ressorti du fin fond des poubelles pour engendrer un véritable culte (on trouve tant de clins d’œil à ce film dans le travail de Romero ou dans 28 jours plus tard pour ne citer qu'eux) et est un must-seen pour tous les amateurs d'atmosphère pesante, d'images étranges et de plot twist.


Allez. Bisous et chill bien !

4 commentaires:

  1. (C'est Hel je commente avec mon énième nouveau blog)

    À part We're the Millers (que je n'ai pas vu) j'adore les films dont tu parles, notamment les deux premiers. L'oeuvre de Kitano est fantastique et je ne me lasse jamais de regarder ses films. Dolls a été un immense choc à l'époque. Mon beau-père m'a acheté pas mal de trucs sur Kitano puisqu'il sait où chercher (ça sert d'avoir de la famille au Japon) et à chaque fois je me prends de belles claques. Tu as parfaitement résumé Kikujiro no Natsu. C'est le genre de film qui donne envie de partir très loin, et il a un côté si apaisant avec cette longue balade en compagnie de deux âmes très solitaires. On m'a déjà dit que Kitano était un peu une sorte de Bill Murray japonais (ou l'inverse) pour le côté clown triste.

    Sinon, j'avais complètement oublié Carnivals of Soul, ce truc est tellement particulier ! Il faudrait faire une sorte de grande sélection de films de série B et d'oeuvres bizarres pour Halloween, et mettre celle-ci en bonne position.

    Sur ce, vivement la fin de l'été. J'ai rarement autant regardé de films/séries/choses bizarres pour batailler contre la chaleur et ta sélection me donne bien envie de me bloquer un énième week-end devant un écran.

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    1. (Décidément ! :) Te décideras-tu finalement pour un blog sédentaire un jour ?)

      Je suis vraiment contente de voir que nous avons encore des points communs.
      Kitano est en effet un putain de créatif, très intéressant. Dolls m'avait fait pleurer comme une madeleine à son premier visionnage, et j'aime toujours autant le contraste qu'il y a entre ses films plus violents comme Brothers et ses films incroyablement poétiques comme Kikujiro no Natsu. Et fichtre, je n'y avais jamais pensé mais tu as drôlement raison : Kitano est carrément un genre de Bill Murray japonais ! Même leurs visages se ressemblent !

      Ah ben justement, c'est ce que je prévoyais de faire : un article comme celui mais pour Halloween, avec pas mal de série B, hahaha !

      On est deux dans ce cas. Contente de te fournir du matériel pour larver un weekend de plus :)

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  2. Moonrise Kingdom est un coup de coeur également. C'est un film unique, doux, poétique, touchant et pourtant sérieux.
    Tellement délicat qu'il en est difficile d'en parler comme tu le dis, mais le pire est de le faire voir aux autres sans qu'ils te disent "c'est mou, c'est chiant" alors que tu as le coeur qui bat fort...

    Merci pour cette petite liste en tout cas ! Je note Saya Zamurai ;)
    Bonnes vacances à toi aussi ~

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    1. As-tu vu The Grand Budapest Hotel, le dernier Wes Anderson ? Il est dans la même veine que Moonrise Kingdom et est également très chouette.
      Quant aux gens qui disent que c'est chiant et mou, ils sont nuls. Faut les planter devant un blockbuster avec des explosions et ils seront contents u_u

      Tu me diras ce que tu auras pensé de Saya Zamurai !
      Merci ! :)

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