" T'as besoin d'une voiture pour aller travailler
Tu travailles pour rembourser la voiture que tu viens d'acheter
Tu vois le genre de cercle vicieux ?
Le genre de trucs qui donne envie de tout faire sauf de mourir vieux
Tu peux courir à l'infini
À la poursuite du bonheur, la Terre est ronde, autant l'attendre ici
Je suis pas feignant, mais j'ai la flemme
Et ça va finir en arrêt maladie pour toute la semaine
Je veux profiter des gens que j'aime
Je veux prendre le temps, avant que le temps me prenne et m'emmène
J'ai des centaines de trucs sur le feu
Mais je ferai juste ce que je veux quand même ! "
Orelsan ─ La Terre est ronde
~
"Qu'est-ce que je fous là ?" et
"je vais où dans ma vie comme ça?" sont des questions que je ne me suis jamais vraiment posées avant l'autre jour. J'ai toujours eu un peu peur de ces questions, j'ai toujours eu le sentiment que c'était le genre de truc à la fois totalement débile et vicieux qui entraînent des réflexions sans fin sur la vie comme celles dans lesquelles s'engouffrent les ados en pleine crise. Je n'aime pas spécialement raconter ma vie comme ça, aux yeux de tout l'internet. J'ai l'impression que lorsqu'on le fait, on a tendance à raconter des choses futiles, quand on ne se plaint pas. Et parfois ─ sinon souvent ─, on se plaint de choses futiles. Je crois que c'est le cas dans ce qui va suivre. Après tout, un blog, c'est aussi pour raconter sa vie, exorciser je ne sais quoi, se sentir exister peut-être, quelque part. On pourrait cracher tout ça sur une feuille de papier, mais ça n'aurait pas le même effet. Non, s'allonger sur un divan virtuel avec de parfaits inconnus dans le rôle de Freud, c'est mieux.
Alors voilà. Ces derniers temps, je ne dors plus. Ou alors trop. Je ne me contrôle plus, je ne m'aime plus. Je me déteste presque même pour cela. On a tous besoin de contrôler les choses un minimum. Depuis quelques jours, j'ai le sentiment de perdre prise, l'impression que tout va trop vite, que tout échappe à ce sentiment de contrôle minimal. J'ai envie de me déconnecter totalement afin de mieux repartir. J'ai envie de changer une montagne de choses dans ma vie, à différents niveaux. J'ai envie de reprendre le contrôle sur moi-même, mais la tâche me parait insurmontable. Et tout ça parce que j'ai commencé à me demander ce que je foutais de ma vie, et ce que je me voyais foutre dans cinq ans. Tout a commencé à devenir un monstrueux bordel dans ma tête à cause de ces deux questions, "qu'est-ce que je fous là ?" et "je vais où comme ça ?". Qu'est-ce que je fous dans cette fac, au-delà du fait que la psychologie et la science en général sont des sujets qui me passionnent ? A quoi ça va bien me servir ? Est-ce que j'aime vraiment ce que je fais ? Est-ce que j'ai vraiment envie de faire ce que je fais ? J'en suis à un stade où cette chanson d'Orelsan que je cite en début d'article illustre tellement bien l'état dans lequel je me trouve depuis environ deux semaines que ça commence à en devenir effrayant.
J'ai l'impression de faire une crise d'adolescence méga-tardive quand je me dis que je veux changer un tas de bidules dans ma vie, à différents niveaux. Changer la couleur de mes cheveux et me faire encrer de nouveaux tatouages. Changer de pays. Partir très loin, loin de tout, loin d'internet, loin de Paris, loin de la fac, loin, très très loin, dans un coin paumé avec une tribu paumée, histoire de me foutre une grande claque dans la gueule. Pas pour toujours, mais pour au moins un temps. On a tous ce petit idéal, enfoui en nous dans un coin. L'herbe parait toujours plus verte à côté comme le dit l'adage, n'est-ce pas ? La fac me donne des boutons. Littéralement. Le matin il m'arrive de ne pas réussir à me lever. Après j'ai honte, je me sens coupable, je mange comme une goinfre, je me regarde dans le miroir, je me dis que "merde Alien, t'as déconné" et je me hais. Je camoufle la symptomatisation physique du bordel qu'il y a dans ma tête s'exprimant par des cernes et des boutons sous du fond de teint, et je me trouve encore plus moche. Pour me consoler je lance Steam et ne peux plus m'arrêter de jouer pendant des heures. Buter des mecs, ça soulage. Et les persos que je joue n'ont pas de boutons ni de cernes, eux.
Je m'emmerde dans ma vie. Mais ça, personne ne le voit. Presque plus rien ne m'intéresse. Même ma liste infinie de passions ne me divertit plus. J'ai fait une overdose de dinosaures et la paléontologie me saoule totalement depuis. Ne pas voir les étoiles me rend triste. Aller au cinéma est encore le seul loisir qui me rend à peu près contente, mais mon porte-monnaie tire la gueule à la fin du mois (note à moi même : investir dans un abonnement annuel au cinéma. Impérativement). Et le pire, c'est que même la fac m'emmerde. J'adore apprendre et m'élever intellectuellement et culturellement. Mais la routine quotidienne m'emmerde ferme. Et la perspective de ne plus jamais quitter la fac de ma vie m'angoisse (si je deviens enseignant-chercheur comme je me pousse à me l'imaginer, comme je me force à croire que cette perspective est vraiment celle que je souhaite le mieux). Je ne sais pas si j'ai envie de consacrer ma vie à une seule chose. Je ne sais pas si je suis assez passionnée et assidue pour ça. Je suis une girouette, j'aime trop de choses, j'ai trop d'idées, trop de projets, trop de trucs sur le feu que je remets toujours au lendemain parce que j'ai la flemme. Je suis exactement comme dans cette chanson d'Orelsan. Mot pour mot.
Mais la simple idée de ne pas être totalement heureuse dans mes études mes donne le vertige. J'ai l'impression que les études et le travail, c'est la ligne conductrice d'une vie. Si tu n'en as pas, t'es dans la merde. Si tu veux essayer de vivre autrement, tu es marginalisé. C'est chiant la société. C'est chiant de se sentir comme une gamine de treize ans en pleine crise quand on dit que "ouais, c'est chiant la société, putain. Codes et impératifs sociaux de merde". Est-ce qu'être punk c'est grave ? C'est pathologique de se sentir à l'étroit et d'aspirer à autre chose ? Est-ce que choisir d'autres chemins c'est être un grand adolescent en perpétuelle crise ? Est-ce que je raconte n'importe quoi parce que je manque de sommeil ?
En ce moment donc, je gratte du papier. J'écris des tonnes de trucs, beaucoup plus que d'habitude. Des réflexions, des dessins, des conversations avec moi-même, autant de tentatives de retrouver un sens, un chemin, une ligne à suivre, aussi infime soit-elle, quelque chose à laquelle se raccrocher pour avancer. Je ne suis pas malheureuse, je n'ai aucune raison de l'être. J'ai juste le tournis, et un grand vide à l'intérieur de moi. Alors je ne sais pas trop où je vais, mais pour le moment, j'y vais.
J'fais du stop sur l'autoroute de la vie. Un jour j'aurai une belle cadillac rouge, et elle foncera avec les autres. En attendant, klaxonne moi donc si tu me croises.